Équateur, novembre 2018, l’équipe

corps et rivages, équateur

Successivement, textes de
Florence, Caroline, Céline, Marc, Bridget, Bernard, Annick, Brigitte.

Florence
La vie est un chemin d’expérience qui transporte le rêve mais aussi le parfum de la mort. La cascade du temps m’assourdit de mots, de visages, de visions dans lesquels je me régénère. Son eau, irisée des rayons du soleil qui filtrent à travers les arbres est comme ce chemin. Ses particules minuscules pulvérisent l’air, l’espace, le temps.
La découverte de soi passe par la découverte du monde et réciproquement, dans une intimité qui fait peur mais qui nous lie au Grand Tout.
Le Grand Tout, le grand Manitou des indiens.
L’arbre de vie transpire, il est moite de tout ce qu’il respire, il déglutit
transforme la matière, transforme l’air qui nourrit toute chose.
Le corps, lasse, reçoit par tous ses pores la lumière du jour qui tombe. Les
rayons du soleil me baignent dans une parfaite détente paradisiaque.
Je ne peux m’arrêter décrire la béatitude du monde, comme hypnotisée par
chaque particule de lumière.
Je voudrais regarder le fleuve mais mes yeux suivent ma main qui écrit.
L’Indien est là, stoïque, visage hiératique, fort de son savoir. Il parle à mon côté dans la nuit qui tombe. J’entends sa voix qui me porte dans la cérémonie rituelle. Elle s’envole et me berce, me retient au bord du vide, m’invite au vide, me tend le filet que je prends pour me jeter dans l’espace-temps. Tout est coloré : Les jus des fruits, les fleurs, la lumière sur le fleuve. Je suis parcourue du frisson du fleuve. Le chien aboie face au fleuve qui coule sans force jusqu’au fleuve suivant, du fleuve suivant au fleuve puissant et large jusqu’à la mer où tout se noie.
La Mer, la Terre, la Terre –Mère, la Pacha Mama, le Grand Tout.
Lâcher prise, respirer, écarter les bras et se jeter dans le fleuve, continuer son chemin jusqu’au Grand Tout. Jusqu’au melting point de l’univers.
Le rien est infini.
L’univers est une grande cérémonie, un immense orchestre, l’harmonie et le chaos.
Merveilleux !
Expérimenter le merveilleux.
Florence


Caroline

Atelier d’écriture Amazonie

L’Équateur, c’est partir, rêver de changer de continent.
Atterrir à Quito et songer déjà à la cascade que l’on va rencontrer. Petit à petit, s’immerger dans les décors multicolores.
Approcher cette médecine pour progressivement s’y enfoncer. La découverte d’une pensée et surtout d’une humanité.
Dans la forêt moite et primaire, réapprendre à respirer pour s’imprégner de sa force. Croiser des feuilles luisantes, des fleurs aux formes sacrées et suivre les papillons jusqu’à leur disparition dans la canopée paradisiaque. Dans les traces de la machette, ne pas craindre de se perdre, car toujours bien guidés par les indiens pour qui la végétation n’a pas de secret.

L’Équateur, c’est aussi s’envoler avec le colibri et planer avec les rapaces.
D’une autre façon, rencontrer le monde céleste coloré auprès de José et ses boissons aux mille vertus. Se faire confiance, avancer tous ensemble, forces unies vers les étoiles. Glisser sur la pirogue dans le silence de la nuit sans lune. Sentir le vent nous caresser et lâcher prise pour de vrai. Sourire à la vie qui nous attend, repartir grandis de toutes ces cérémonies, remplis d’une énergie nouvelle à partager.
Se dire que l’on reviendra, un jour, peut-être, dans ce pays merveilleux, explorer ce qu’on n’a pas pu voir. En attendant plonger dans ses souvenirs, et expérimenter le voyage par la pensée.

Caroline
29/11/2018


Céline :
Ce soir, la lumière est intense, les sons des oiseaux font rêver, la cascade n’est pas loin, c’est enchanteur. La fatigue de la journée se fait ressentir, cela s’ajoute à la sérénité multicolore du soir.
Ce voyage a été source de révélations, de connections, d’apprentissages, d’échanges et de découvertes. Tous ces souvenirs permettront de se sentir plus forts, de retour à notre quotidien. On pourra repenser à la chaleur moite des promenades en forêt, aux orages qui permettent de respirer un peu d’air frais à la nuit tombée, aux bonnes soupes qui nous nourrissaient pour la journée, aux cris permanents de la forêt la nuit. Puis on se remémorera aussi la présence tranquille de Manuel, le soin de José dans ce lieu paradisiaque, la gentillesse de Rosa et Umberto, l’humanité d’Hermann, la force de Enrique, qui sauront nous porter.
Ce voyage indien touche à sa fin, il n’a duré que deux semaines qui semblent un mois, tellement les minutes passées ici s’envolent vite, trop vite. Il aura révélé une autre vision du monde, une autre approche de la santé et de la maladie, coloré notre pratique parfois un peu terne, pour notre bien et celui de nos patients.
Entourés ici de nature et de calme, nous pouvons écouter nos pensées, nos émotions et nos sentiments, cela crée une force nouvelle, qui nous portera encore longtemps. Peu à peu la lumière baisse, baignant le fleuve d’une lumière d’or, et c’est bien le premier soir où il n’y a pas d’orage pour nous cacher ce spectacle. Ici tout incite à lâcher prise, on est hors du temps.
Pas envie de quitter ce bel endroit, même pour retourner à Quito, qui n’est pas si loin, toujours dans ce beau pays.
On voudrait retrouver à nouveau l’ambiance de ces cérémonies, qui nous reliaient tous dans une même félicité, attentifs aux besoins de chacun, sous la vigilance attentive du merveilleux chaman.
L’idée du retour à la ville bruyante et polluée n’est pas réjouissante, comparée à ce havre de paix.
Ayant bien expérimenté la Cosmovision, nous pourrons certainement appréhender notre retour plus sereinement.


Marc :

Au fil des ondulations de l’écorce, voguent les reliefs, d’un Quito qui n’est qu’en collines
Des collines de lave endormie, éternelles
Des collines aux amours et aux adieux, éphémères
Des collines pour le jour et pour la nuit,
Des collines vert de gris.

Des collines cathédrales. Elles sont élevées sur des mythes perdus.
Du dieu Soleil, aux sermons sous les dorures suspendues.

Enfin, puisque c’est de l’altitude qu’on s’élance le mieux,
Quito tremplin ; du prévisible, vers le chaos des jolies choses…
Bon voyage !

Ce visage est une île agitée d’Italie
Il est otage de gaité
Il ne cache pas son origine, d’un val avili de lave
Ni son corps, d’étais et d’étoles étoilées
Ni ses yeux âgés, galets lilas, goélettes volages
Ses lèvres en ailettes ovales
Ni ses sourcils, se love un soleil voilé
Dans ce visage, tissage d’une vie
Vous pouvez lire les vestiges des vétos et la sagesse votive
Dans ce visage, toile gelée et sage
Il y a des étalages de glaives las et de létal litige
Ce visage est sagesse
Il va, vit, et vestige âgé…
Il est une fenêtre ovale, toise la vallée des étoiles voilées

D’une lune de Saturne, je t’écris sous un soleil de Sahara.
Ici la neige est grise, d’un temps qui n’existe pas.
Mes pensées grésillent électriques. Tout connaitre de ce monde d’en bas.
Des spirales éternelles, aux éphémères hommes des bois.
San Clemente sous la neige, dans un Sahara, sur une lune de Saturne. Pourquoi pas.

Après un hiver sans fin, le feu sous la glace.
La promesse d’un été qui dure un peu.
Minuscule grain de sable, dans les énormes rouages en fer de la bêtise.
Savoir pour combattre.
A l’abordage !

Aux jeteurs de sorts
Au matin des chamans
Chacun rêve sa vie
Entre les éléments égoïstes
Et les cascades dorées.

Au crépuscule des mages
Les cœurs multicolores, dans un bleuâtre qui fait toute nature esprit.
La promesse d’un mystère, chiens et loups mélangés.
Les canopées en cathédrales découvertes
Et les troncs en autels sacrés.

A la nuit des sorcières
Le pavot des poètes, au milieu des éthers
Les yeux clairs entre les mandragores
Les corps moites, qui se murmurent des encores

A l’aube des taita
La respiration de la forêt
L’horizon qui manque, à nos yeux déglingués
La spirale d’une vie, futile et précieuse
Le paradisiaque incompris

Au quotidien des jeteurs de sorts
Les indiens incompris,
S’envolent entre les lianes colorées des morts
Par la force de l’esprit

Au quotidien des jeteurs de sort
Le lâché prise est béni

Et puisque tout passe, tout casse et tout se lasse
Que même les étoiles meurent aux confins gris

Des cérémonies sans merveilleux factice
Expérimenter l’illusion
Pour nourrir le réel


Bridget :
Voyage rêvé, et presqu’accompli,
Accompagnée vers la cascade par les chamans,
Belle connection !
Fraîcheur, mais aussi, liberté, dans la nature, sensuelle et multicolore ;
Poursuivre vers une découverte des plantes, des fruits, des lianes, s’y suspendre pour éprouver l’envol vers d’autres horizons,
Goûter un bain de vapeur, mélangeant les sentiments moites, éliminer et respirer par tous les pores de la peau,
Boire la médecine de l’Ayahuasca, accueillir la chaleur dans les tempes et nettoyer les énergies négatives, sans souffrance,
Accepter son enseignement paradisiaque, mystérieux ;
Dilatation et tremblements.
Chanter avec les indiens, dans les ténèbres de la nuit,
L’orage au loin,
Bruit des feuillages, et incorporer la petite graine sur la corona.
Troisième œil, guide- moi ! Aide-moi à m’envoler aussi loin dans l’univers, à m’accrocher à une étoile,
Prendre de la hauteur,
Aide-moi, et conduis- moi à l’harmonie.
Nature, Homme, Animaux, Plantes et Eaux, Feu et Air, la force de tous les éléments réunis.
Partage heureux et simple, unique et personnel à chacun, collectif aussi, puisqu’universel.
Lâcher prise pour une communion totale, oiseaux de feu, feu d’artifice de sensations, de saveurs ;
La cérémonie prend fin, l’énergie monte et s’amplifie.
Merveilleuse nuit, la lune et les éclairs font l’amour,
Début lumineux d’une journée, toujours recommencée ;
Expérimenter le bonheur,
Vertige et gratitude !

Voyage Équateur nov. 2018


Bernard :

Découvertes et initiation.
Que de découvertes en quelques jours, la cascade sacrée au fond de la forêt amazonienne chamarrée de fleurs multicolores éparpillées le long du chemin escarpé, et d’autres découvertes encore de Quito à Otavalo, d’Otavalo à San Clemente.
Ah ! San Clemente, le San Pedro, la tente de sudation où nous nous sommes retrouvés moites, du mal à respirer, mais le chant s’élevait tout de même, les petites grands-mères envoyaient leur chaleur du fond des âges et des volcans.
Puis nous sommes arrivés dans la forêt amazonienne paradisiaque, où le soleil et la chaleur rivalisent avec la pluie. Visite d’un village indien hier soir accueillis par des danses et des chants traditionnels, où j’allais expérimenter l’inattendu, espérant m’envoler vers d’autres contrées, mais cette expérience s’est transformée un peu en bad trip : les images colorées espérées sont restées en attente, quelques-unes fugaces se sont laissées entrevoir. Mais finalement grâce à la force du chaman et du groupe j’ai retrouvé paix et sérénité, le soin prodigué par José m’a permis de lâcher prise. Peut-être cette épreuve était-elle nécessaire ?
À la fin de la cérémonie chamanique le retour en pirogue s’est transformé en un voyage merveilleux sur la rivière, aucune crainte, la paix revient.
Voudrais-je à nouveau expérimenter l’ayahuaska ? J’hésite encore !


Annick :

Atelier d’écriture

Les oiseaux chantent sans cesse. Je rêve des soirs d’été où les cigales bruissent en cascade , pareil. Il fait chaud, il fait moite, les vêtements collent à la peau. Les fleurs multicolores me font oublier l’air un peu étouffant et j’avance sur ce sentier à la découverte de toute cette nature généreuse.
L’eau est là, au milieu du sentier: bottes indispensables. Tout est moite, j’enlève ma casquette: trop chaud; je respire un grand coup et repars. Tant d’odeurs, trop peut être depuis ces derniers jours qui m’enivrent et me saoulent.
Dans cet univers paradisiaque tout est à portée de mains ou presque. Si c’est haut Paolo fabrique une longue perche astucieuse pour descendre à terre les gousses comme un indien d’Amazonie qu’il est. Mon esprit s’envole.
Aurais -je pu grandir, vivre ici comme lui ?
Colorées de rouge, de jaune,les fleurs sont extraordinaires.
A force, nous pénétrons un peu plus loin dans la forêt après avoir franchi des cours d’eau opaques dont le fond vaseux colle aux bottes. Je suis contente que les miennes lâchent prise. Pas envie d’avoir les pieds mouillés comme Brigitte !
Ce soir nous avons une petite cérémonie d’adieu. Trois jours passés ici seulement mais tellement enrichissants. Je n’aurai jamais autant pris soin de moi, pensé à moi. C’est merveilleux d’avoir redécouvert cela. Il suffit de se laisser porter, de se rappeler que nous sommes les enfants de la terre, de tout ce qui s’est expérimenté ici.
Je m’en rappellerai et en ferai l’effort quotidiennement ; je l’espère 6 jours, 26 jours, tout le temps?


Brigitte :
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